Sauve qui peut !
- Ours Grenouille
- 16 févr. 2019
- 6 min de lecture
Qui a peur du grand méchant loup ? C'est pas nous ! C'est pas nous !

Bon aller, avouez que vous aussi, quand vous vous retrouver seul chez vous le soir, le moindre grincement de porte vous hérisse le poil ! Que la moindre araignée velue qui apparait furtivement sur votre jambe entraine un hurlement hystérique digne d'un remake de Shinning ?! Alors nos loulous qui ont peur d'une énorme bête poilue toute noir aux yeux jaunes et dents tranchantes finalement, paraissent bien plus courageux que nous !
ICI, dans mon dernier article , je vous expliquais l'origine de certaines peurs de nos tous petits. Et si maintenant on comprenait comment elles fonctionnent et surtout comment l'appréhender ?
La peur chez le nouveau né
L'enfant ne grandit harmonieusement que s'il se sent en sécurité. C'est un besoin primaire que le nouveau né exprime dès sa venue au monde ! A la recherche de la sécurité placentaire il ne se sentira bien qu'auprès de sa mère, recherchant constamment son odeur et la chaleur de son sein. Il en est d'ailleurs dépendant. Sans les soins de sa mère, le nourrisson n'est rien et est voué à une mort certaine.
Dans les premiers mois de vie, le bébé est en perpétuelle tension physiologique. Freud définit cette angoisse comme une énergie vitale. Elle permettrait au nourrisson de mettre en place tous ses mécanismes de défenses. Ce n'est qu'à travers ces toutes premières expériences qu'il va comprendre, aux alentours de ses 8 mois, qu'il est un être différent de sa mère et qu'il va apprendre à se séparer d'elle. Mais il ne pourra faire ce cheminement que s'il se sent en sécurité.
Par la suite, l'enfant sera amené à surmonter d'autres angoisses. Certaines seront même quotidiennes, comme celle du coucher qui le sépare de son parent.
La peur chez l'enfant
A 3 ans, avec la maitrise plus grande du langage et l'accès à sa fonction symbolique, l'enfant parvient peu à peu a mettre de la distance avec ses émotions. Mettre des mots sur ses craintes permet de l'extérioriser, de la sortir psychiquement de soi. Ainsi, il décharge une angoisse confuse par une émotion précise et compréhensible pour nous.
Après la maitrise langagière de son angoisse, l'enfant va essayer de l'expérimenter mais cette fois ci, psychiquement ET physiquement. Il va notamment, commencer à l'expérimenter au travers de ses jeux, dans les histoires, les spectacles etc. Et il en redemande car c'est la confrontation répétée à des scénarios effrayants qui va lui prouver qu'il est capable de faire face à ses émotions.
Le jeu de se faire peur commence dès la plus jeune âge. L'exemple type est celui du père qui lance en l'air son enfant. Celui ci est à la fois apeuré de quitter les bras protecteurs avec le risque de tomber mais rigole de plaisir de retrouver les bras sécurisants à la fin de la chute. Il en redemande et cette répétition le fait rire aux éclats car c'est elle qui rend la maitrise de l'émotion efficace. Plus tard vient le jeu de "coucou caché" où l'enfant expérimente la peur de la séparation. Plus grand, l'enfant prendra plaisir à jouer à chat (ou au loup) où l'adversaire tente de le priver de sa liberté. Inversement l'enfant aime jouer à cache cache pour ainsi voir la peur de la séparation s'inverser avec le parent qui part à sa recherche. Ce spectacle les amuse car ils peuvent se rendre compte que la figure d'attachement expérimente également cette peur la rendant plus familière. Le jeune enfant aime particulièrement les histoires. Car déjà elles leur permet comme dit précédemment de ce confronter à leur peur et de maitriser peu à peu leurs angoisses. Mais aussi car la plupart du temps elles sont racontées dans un contexte familier quand elles sont lues sur les genoux de papa et maman. Il ne faut donc pas se dire "fini les histoires de loup car tu en as peur et tu ne veux plus dormir" mais plutôt "vient nous allons la lire ensemble et tu vas pouvoir me dire ce qui te fait peur".
Une émotion nécessaire
Il faut avant tout se dire que la peur est tout à fait normale. Elle est une réponse à un danger extérieur, qu'il soit physique ou psychologique. A ce moment là le corps libère une production d’hormones et de neurotransmetteurs qui entraine une multitude de réponses. La respiration et la fréquence cardiaque augmentent alors que le flux sanguin à destination de l’intestin grêle sera diminué puisqu’une partie sera redirigée vers les muscles. Ainsi, le corps se prépare à se battre ou à fuir, mais dans tous les cas, il est en alerte !
La peur est un sentiment normal qui aide l'enfant à se construire et à se developper harmonieusement. Elle a la même importance que la sensation de la douleur. Sans la peur, l'enfant mettrait la main dans le feu, escaladerait le balcon ou partirait avec le premier inconnu venu. Nous l'avons bien vu avec la peur du loup, qui a longtemps servi d'ennemi numéro 1 dans les histoires pour faire comprendre aux enfants qu'il ne fallait pas faire confiance aux inconnus.
Pourtant dès que notre enfant a peur, cela nous plonge tout de suite dans une situation d'impuissance inconfortable car nous avons la sensation de n'avoir ni la clé de lecture de son émotion ni la solution miracle pour l'en dégager. Ainsi, notre premier réflexe est de cacher la peur. De vouloir qu'elle parte pour retrouver le sourire angélique de notre rejeton. C'est souvent le lot de toutes les émotions jugées négatives comme la tristesse et la colère également. La vie de l'enfant doit respirer le bonheur et nous lui souhaitons tellement d'être heureux que nous rejetons toute autre émotion que la joie. Ce n'est pas pour rien que nous parlons "d'émotion négative". Or chaque émotion existe pour une bonne raison et s'exprime chez chaque être humain. Il serait même dangereux de ne pas les ressentir. Un enfant qui ne se met jamais en colère ou qui n'est jamais triste refoule sans doute ses émotions. La peur fonctionne de la même manière. La ressentir prouve que notre cerveau fonctionne correctement et que nous sommes assez autonomes pour vivre pleinement les événements qui nous entourent. Selon W. Winnicott, le petit enfant doit être capable d'éprouver la peur, s'il ne le peut pas, c'est qu'il est malade.
Face à la peur
Il est donc erroné de croire que toute peur est néfaste pour l'enfant et qu'elle doit lui être épargnée. Il ne sert à rien de rationaliser ou banaliser à tout prix. "Ce n'est rien," ces paroles ne sont pas rassurantes car elle empêchent l'enfant d'aller au bout de ce qu'il veut dire et le privent du droit d'éprouver sa colère, sa peur ou sa tristesse. Les chagrins doivent être écoutés et compris, pas cachés ou niés. Mieux vaut insister sur l'efficacité de la présence rassurante des parents. Compassion et compréhension sont de mise sans dramatiser pour autant. Lui faire décrire le danger, le faire réfléchir aux stratégies de secours comme allumer une veilleuse l'aident bien souvent à envisager les choses sous un angle moins dramatique.
Rationaliser les peurs avant un certain âge est également vain. Avant 6 ans la différence entre réel et imaginaire est une notion encore floue. C'est l'âge de la pensée magique. Avec elle, chaque chose est considérée comme vivante et douée d'intention, bonne ou mauvaise. Lui dire que "cela n'existe pas", n'est pas un concept compréhensible pour l'enfant et user à outrance de cette argument reviendrait à douter de ses propos et reviendrait pour lui à "je ne te crois pas". Afin de respecter la confiance que l'enfant nous donne, nous pouvons tenter de se mettre à sa place. De son point de vue, le monstre au dessus de l'armoire est bien réel et c'est notre protection qu'il est venu chercher en plein milieu de la nuit. Si le monstre est réel pour lui, alors notre pouvoir de l'en débarrasser est aussi bien réel, alors l'utilisation d'un filet à monstre ou d'un spray anti démon sont les bienvenus. Notre pouvoir se partage et il ne tient qu'à nous de lui apprendre à s'en servir seul.
Tout excès de compassion ne serait pas non plus souhaitable. Si l'enfant finit la nuit dans le lit de ses parents et que ce phénomène s'éternise, il s'agirait alors d'une surprotection de l'enfant lui empêchant de vivre l'expérience de la peur et donc de créer des stratégies de défense qui l'aideront à surmonter sa peur et plus tard à être autonome dans un contexte similaire.
Article réalisé grâce à la lecture "Peur du loup, peur de tout" de Béatrice Copper-Royer.
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