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Me séparer de toi

  • Photo du rédacteur: Ours Grenouille
    Ours Grenouille
  • 24 oct. 2018
  • 9 min de lecture

Aujourd'hui je dois me séparer de ma fille. Aujourd'hui je pleure. Aujourd'hui je suis en colère. Aujourd'hui je voudrais me battre.

L'attachement primaire

L'attachement. Ce besoin primaire, indispensable à la survie des espèces et qui s'exprime chez tous les jeunes mammifères.

L'attachement, qui permet au petit de rester avec sa mère, source de soins, de nourriture, de vie.

Les études démontrent que l'attachement conditionne la future vie sociale de l'enfant et qu'il est indispensable au bon développement psychosocial et à l'acquisition de l'autonomie. En effet, selon Bowbly, le fondateur de la théorie de l'attachement, la mère constitue une base de sécurité qui va permettre à son petit d'exprimer un comportement curieux, sociable et indépendant. L'attachement est (la plupart du temps), réciproque. C'est ainsi que la mère intervient aux moindres signes de détresse de son enfant.


Dans la nature, il est rare que la mère se sépare de son nouveau-né. Si un petit est séparé de sa mère, il ne cherchera qu'à la rejoindre ou restera prostré.

Chez les mammifères et dans la majorité des espèces, c'est le petit qui décide de s'éloigner progressivement de sa mère, car il a acquis l'autonomie nécessaire pour se débrouiller seul. Dans de rares cas, c'est la mère qui empêchera sa progéniture de téter car il sera devenu adulte, ou qu'elle sera trop fatiguée. Mais à ce stade, le petit sera déjà autonome pour subvenir à ses besoins seul. L'éloignement se fait toujours de façon progressive, jamais brutal ni imposé par un tiers.


On pourrait croire que le bébé humain ne suit pas les traces de l'animal, mais il s'agit bien là d'une idéologie occidentale complètement infondée qui veut que l'enfant soit rapidement séparé de ses parents durant le sommeil, que l'allaitement soit arrêté précocement, et que la mère reprenne rapidement une activité professionnelle.

De nombreuses études ont pu démontrer que ce besoin d'attachement primaire était bien présent chez l'être humain, au même titre que de nombreuses espèces. D'autres démontrent également que dans les sociétés où le maternage est proximal et où les mères apportent une réponse immédiate aux pleurs de leur enfant, les enfants ont tendance à moins pleurer, moins longtemps et à mieux s'exprimer par la suite.


Depuis des millions d'années, l'espèce humaine a perduré grâce à ce besoin d'attachement réciproque, permettant à la mère d'assurer la sécurité de son petit et à celui-ci d'acquérir les ressources nécessaires pour appréhender son environnement. Il n'y encore pas si longtemps la femme était "dévouée" à l'éducation de ses enfants et sans porter de jugement positif ou négatif, nous en portons encore aujourd'hui l'héritage historique. En France, la loi autorise la femme à travailler et a gagner un salaire indépendamment de son mari depuis seulement 1965. Nos ainées se sont battues pour notre indépendance, mais selon moi il ne s'agit pas juste d'avoir le droit d'exercer une profession, mais d'avantage l'acquisition d'une reconnaissance, d'une liberté et surtout du choix de travailler ou de s'occuper de ses enfants, quand cela est possible ...

Le développement de l'enfant

Lorsqu'il nait, le bébé pense encore que la mère et lui ne font qu'une seule et même personne. Il ne visualise pas son corps comme étant dépendant du notre. C'est seulement vers 7-8 mois qu'il commence à prendre conscience qu'il est un être à part. C'est généralement à ce moment là que l'on voit apparaitre des signes de peur de l'abandon, notamment lorsqu'il est confié à une nounou par exemple. Il lui faudra un certain temps avant qu'il comprenne que sa mère reviendra tous les soirs le chercher.

Une fois que l'enfant à compris qu'il est un être à part mais que sa mère sera toujours là pour assurer ses besoins physiologiques et affectifs il sera rassuré, et pourra alors developper sa propre identité.

Concernant son rythme biologique, les pédiatres disent qu'il faudrait environs 100 jours pour que l'enfant s'adapte à sa nouvelle vie extra-utérine et qu'il suive le même rythme que ses parents.

Enfin, concernant l'allaitement, si cela est le choix de la maman, l'OMS préconise un allaitement exclusif jusqu'au 6 mois de l'enfant. Puis jusqu'à 2 ans en complément d'une alimentation solide.


Le réservoir affectif

Selon Isabelle Filliozat, psychothérapeute renommée, il existe 4 besoins affectifs fondamentaux chez l'enfant : la confiance, le sentiment d'exister, le sentiment d'être accepté et le sentiment de se sentir apprécié. Selon elle, la confiance s'acquière grâce aux contacts physiques avec ses figures d'attachement : câlins, bisous, regards etc. La confiance en l'autre se nourrirait de la certitude que la figure d'attachement réponde à nos besoins. Avoir confiance en l'autre serait également le garant d'avoir confiance en soi. Avoir le sentiment d'être accepté, dans ses émotions et ses envies permettrait à l'enfant de developper sa personnalité et de se sentir exister en tant qu'être à part. L'enfant a besoin de sentir qu'il est accepté avec ses paires et que l'on a envie qu'il soit là. Ses besoins affectifs seront remplis si l'adulte passe du temps de qualité avec lui et qu'il lui verbalise son affection. Ainsi, l'enfant pourra remplir son réservoir affectif.


Isabelle Filliozat explique que pour le jeune enfant, l'amour n'est pas qualifiable, il est quantifiable. Il se mesure en temps. Celui que l'on donne à notre enfant. Notre présence.

La France ?


En France, le congé maternel légal est de 16 semaines dont 10 semaines après l'accouchement pour les salariées. L'état Français décide donc que à 2 mois et 1 semaine, le bébé n'a plus besoin de sa mère... Cette durée est encore plus courte pour les indépendantes qui ne bénéficie que de 30 jours post accouchement.

La France se situe en dessous du Chilli avec ses 18 semaines payées et juste au dessus du Mali avec ses 14 semaines. Une amie me disait qu'en Irelande, les femmes ont droit à 26 semaines (24 semaines maximum après la naissance) mais peuvent choisir de reprendre plus tôt si elle le souhaite. En Suède, l'enfant est choyé dès sa naissance, 100% sont allaités jusqu'a environ 1 an et l'on refuse qu'ils aillent à la crèche avant cet âge considérant qu'il est meilleur pour leur développement de rester avec leur mère. Les Suédois bénéficient d'un congé de 390 jours (indemnisé à 80%) à répartir entre la mère et le père. En Norvège, les parents bénéficient de 46 semaines intégralement couvertes.

Alors faut-il obligatoirement partir vivre dans les pays nordiques pour rester proche de son enfant ?


Effectivement certaines pourront poser des congés et au mieux gagner un petit mois. D'autres pourront faire le sacrifice financier de se mettre en congé parental, suivant la nature de leur contrat professionnel (ex : un ccd de moins d'un an ne donne pas droit au CP) . Certains se mettront à mi-temps tout en sachant qu'elles en paieront le prix fort à la retraite. Mais la majorité ne pourront pas s'offrir ce luxe et retourneront travailler 35h (soit approximativement 40h de garde d'enfant par semaine).


Alors même que l'Union Européenne se penchait sur la question de l'harmonisation du congé parental et proposait en mai 2018 un congé de 4 mois pour chaque parent indemnisé à hauteur de 50% du salaire journalier, notre président y opposait un non catégorique ! Cela couterai bien trop cher à l'Etat ... le bien-être des parents et des futurs votants de la nation passerait donc à la trappe à cause de problème de gestion budgétaire ... Je ne me lancerai pas dans un débat sur la répartition des dépenses de l'Etat, mais selon Yann Serieyx, le représentant de l'Union nationale des associations familiales françaises (Unaf), le calcul de l'état ne prend pas en considération toutes les données. Selon lui, cette mesure aurait notamment permis de libérer des places en crèche (déjà saturées) et un enfant en crèche coute à l'Etat 1700€. Je ne compte pas les aides allouées pour aider les parents aux paiements du mode de garde ... Le congé parental reste donc en France indemnisé à hauteur de 390€/mois ... soit moins que le RSA, qui on le rappelle, est le revenu calculé pour assurer le minimum financier pour vivre.


Les ordonnances Macron ont même permis de réduire les avantages de certaines femmes qui, du fait d'accords de branche, pouvaient avoir droit à des congés maternité plus longs. Maintenant, les entreprises peuvent prendre la décision de les réduire à 16 semaines comme prévue par la loi.


Le paradoxe en France est aussi celui la : un congé maternité très court, un congé parental pas accessible à tous, mal rémunéré, mais aucune démarche pour augmenter les places en crèches très limitées ni pour favoriser la création de crèche en entreprise.


Nous vivons actuellement dans une société qui fait de nous des êtres contradictoires. Nous pleurons d'être séparées de nos bébés et pourtant au bout de 4 semaines au foyer on s'arrache déjà les cheveux. Pour moi cela s'explique en grande partie par l'isolement que vit la mère qui vient de mettre au monde. Le congé du père est réduit à peau de chagrin et la nucléarisation de la famille nous a éloignés de nos propres parents. Alors qu'avant les mères et belles-mères étaient là pour soutenir la jeune maman, il n'y a désormais plus personne. Et souvent le réseau amical travaillant lui aussi, on se retrouve seule, débordée, et la reprise du travail apparait alors comme une porte de sortie.

On ne refera pas l'histoire, mais si on pouvait changer l'avenir ?

Elle et moi

Je crois que c'est un peu à cause de tout ça que je suis mal aujourd'hui de me séparer de ma fille. Car cela n'est ni naturel, ni inscrit dans mon code génétique, ni inscrit dans le code social, dans notre histoire, et que cela n'est pas acceptable émotionnellement, ni pour moi et surtout pas pour ma fille.


Je n'ai pas envie de me dire que je donne un doudou à ma fille pour qu'il soit mon substitut. Je n'ai pas envie qu'elle s'imprègne de l'odeur d'une autre que la mienne. Je n'ai pas envie de ne plus l'entendre pleurer car elle aura appris que je ne suis plus autant présente pour elle. Son développement affectif n'est selon moi pas prêt pour que je me sépare d'elle.

Et je n'ai pas envie de m'entendre dire "Tu sais, il faut que j'aille travailler pour payer les factures, tes habits, tes repas...", car au fond d'elle, si petite, je sais qu'elle pourrait être habillée en toile de jute et vivre dans une cabane dans les bois si elle pouvait avoir mes bras et mon sein toute la journée.

Je n'ai pas envie de lire des centaines d'articles intitulés "comment mieux vivre la séparation" comme ci cela était un fait acceptable, que l'on doit se séparer de nos petits, qu'il faut bien s'y faire et que tout le monde doit passer par là.

Je n'ai plus envie de me dire que je ne serai pas présente pour ces premières fois, que je ne les verrai jamais plus, et que je garderai à vie ce sentiment de culpabilité et de regret infini. Je n'ai plus envi de demander à la nounou comme elle endors mon enfant car je n'y arrive plus et qu'elle en a plus l'habitude que moi.

Je n'ai plus envie d'avoir l'impression de faire des enfants pour les laisser à d'autres.


Alors oui nous nous sommes battues pour travailler, ou plutôt pour notre indépendance ! Pour ne plus dépendre des hommes et pouvoir être libre. Personnellement, je préfère me dire qu'on s'est battues pour avoir le choix. Et aujourd'hui j'aurais aimé avoir le choix de rester un peu plus avec ma fille. Pour la sentir prête a découvrir le monde. Mais là, je n'ai pas eu le temps de lui transmettre les outils, de remplir son réservoir affectif.

Et moi suis-je prête ? La femme que je suis qui vient de devenir mère, dont le ventre est tout juste vide et porte encore les stigmates de la grossesse, est -elle prête à se séparer de la chair de sa chair ? Moi qui suis épuisée des nuits entrecoupés. Suis-je en état de fournir le meilleur de moi même sur mon lieu de travail ? Je n'en suis pas si sûr.


Alors j'ai envie de demander à l'Etat Français si c'est cela être une mère française aujourd'hui ? Un mère qui doit laisser à une autre son enfant de 2 mois et demi à peine. Un bébé en pleine construction affective, qui ne sait même pas encore qu'il est un être à part. Qui pense que lui et sa mère sont une seule et même personne et que quelque part, c'est un bout de lui qu'il perd chaque jour.

Quand je discute autour de moi, je trouve que l'on est bien nombreux a avoir peur de l'abandon, à être dans une insécurité psychologique constante, à ne pas avoir confiance en soi et dans les autres, à se retrouver seul avec un besoin affectif immense inassouvi ... ne seraient-ce pas les conséquences de notre propre séparation trop jeunes avec nos mères ? (Psychologie de comptoir bonsoir ;p). C'est une question qui reste à explorer.

Bien sûr je ne milite pas pour le retour de la femme exclusivement au foyer. Encore une fois, chacune devrait avoir le choix en prenant en considération le contexte (familiale, économique ect). Si les femmes qui ont des conjoints au revenus aisés peuvent se permettre de s'arrêter de travailler, qu'en est-il des autres ? S'occuper de ses enfants serait-il devenu un luxe ? Personnellement, je considère qu'aucune mère ne devrait à mettre dans la même balance l'argent et son enfant. Alors je milite aujourd'hui pour un congé maternité plus long, qui nous permette TOUTES de continuer de construire ce lien avec nos bébés, de continuer à allaiter si c'est notre choix, de pouvoir être présentes dans les grandes étapes, pour remplir le réservoir affectif de nos enfants et pour ne plus avoir le sentiment animal de les abandonner ...


Alors je lance un appel aux mères qui partagent ma peine et mon combat, venez nombreuses me rejoindre, signer et partager (facebook, instagram, twitter, mail etc) ma pétition qui demande au gouvernement l'allongement du congé maternité : ICI !




Sources :

Attachement et perte, vol.1 John Bowlby

L’intelligence du coeur, Isabelle Filliozat

OMS - préconisation d'allaitement

Le tour du monde des congés maternités :











 
 
 

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