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Balance ton porc des transports

Restées dans l'anonymat trop longtemps, aujourd'hui les femmes sortent de l'ombre pour dénoncer ces porcs qui n'ont pas hésités, eux, à les humilier, les harceler, les agresser !

Alors, comme Maman Grenouille il y a quelques jours, je viens en remettre une couche ! Car on sera jamais assez de deux, dix, cent, mille, pour dénoncer une situation qui peut toutes nous concerner !


Moi je ne vais pas te parler de mon bureau, car j'ai eu la chance que cela ne soit jamais arrivé. Mais je vais te parler de ma ville, celle que j'ai habité pendant 28 ans.


Je te présente Paris ! Paris la ville lumière, la ville du romantisme, des baisers sur les ponts, des balades en amoureux sur la seine et des demandes en mariage face à la tour Eiffel. Paris et son métro parisien. Ses odeurs de pisse, de sueur, ses allées sombres et ses rames surpeuplées. L'endroit rêvé pour le pervers narcissique qui vient roder en attendant sa prochaine cible.

Deux fois par jour c'est l'affluence, une foule dense vient se ruer vers les portes du métro qui se referment comme une bouche béante sur des centaines de gens entassés. Cette proximité, on ne peut la vivre qu'ici. Nos corps et ceux des autres ne forment plus qu'un au rythme des stations de métro. La barrière de l'intimité n'existe plus et tout le monde a entériné le fait que c'était acceptable.

Et le porc est là ! Il se mélange parmi la foule. Il ne se cache même pas, certain de son pouvoir et de la "faiblesse" des femmes qui ne diront rien et ne sont là que pour subir. Muriel Salmona, psychiatre dira qu'il n'est pas là pour assouvir son désir sexuel, mais pour détruire. Il va venir se frotter contre une jeune femme, lui dire des mots odieux, lui toucher les fesses, les hanches, les cuisses, où juste s'essuyer sur elle. Si tu ne connais pas le terme de "frotteur" c'est que tu as eu de la chance, où alors que tu ne connais pas Paris (je site cette ville car je la connais bien, étant bien consciente que ces faits arrivent malheureusement partout ailleurs). Selon une étude menée par le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes en Ile de France, 100% des femmes interrogées ont été victimes dans leur vie d'une agression sexuelle, quelqu'elle soit, dans les transports en commun.


Toutes victimes, mais toutes silencieuses, ou presque... Mais la femme n'est pas faible, comme aimerait le penser notre porc des transports. Mais pourtant elle se tait, dans bien trop souvent des cas. Par manque de confiance, par peur du regard des autres, par ce qu'elle est choquée. Choquée de devenir, l'espace d'un instant, une victime, alors qu'elle ne pensait qu'a rentrer du travail, retrouver son mari, son chat ou ses enfants. L'espace d'un instant, elle est dépossédée de son corps et de son état de femme et n'est reléguée qu'au rang de Klinex à la merci d'un pervers narcissique ! On préfère alors se dire que l'on avait un doute, qu'on était pas sûre, que tous le monde se collait, que cela pouvait être le rebord d'un sac, où notre imagination. Mais bien trop souvent, le doute n'est pas permis !

Moi aussi, bien trop souvent je n'ai rien dit, je n'ai rien fait, j'ai "juste" fuit. Car je ne suis pas quelqu'un qui sait me défendre, car je ne suis pas quelqu'un qui sait hausser la voix. Mais ça c'était avant ! Avant d'en avoir trop vu. La main d'un homme sous la jupe qui ose me regarder dans les yeux et ces gens qui râlent quand je les poussent pour sortir rapidement du métro. Ces deux ou trois fois (peut être plus) où j'ai eu un "doute" que l'on se frotte à moi. Cet homme qui se masturbait publiquement alors que nous rentrions de soirée. Toutes ces fois où je n'ai pas osé relever la tête, faire face à ces porcs pour les mettre à leur tour à nu devant tous le monde !


Et il y a eu ce porc de trop. Celui du tram que je prenais tous les jours pour aller travailler. Celui qui vient se tenir à la barre devant le siège sur lequel je m'asseyais. Il était vieux, je le voyais trembler. J'ai cru d'abord qu'il était malade, je lui ai proposé ma place qu'il a refusé. Et j'ai eu un "doute" alors je suis parti. Je n'ai rien dit car subsistait l'idée qu'il pouvait être atteint de Parkinson. Mais il était atteint d'une maladie bien plus psychologique. Une autre femme s'est assise à ma place. Elle aussi à eu un doute. Elle est partie aussi sans rien dire.


Cet homme je ne l'ai pas oublié. Et je l'ai revu plusieurs fois. Habillé toujours d'un même imperméable kaki, le crâne rasé, la soixantaine. Toujours là aux mêmes horaires, au même endroit. Celui le plus rempli. Et toujours cette même façon d'agir, en semblant trembler, parfois contre des barres, mais le plus souvent derrière des femmes. J'en ai parfois entendu se défendre ou d'autres femmes défendre des jeunes filles agressées.

Et un jour, je l'ai vu, de loin, "trembler" derrière une jeune fille. Une femme à proximité lui a fait signe de s'écarter de cet homme et elle est partie. Elle était jeune, probablement mineure et venait de subir sa première ou une énième agression. Celle qui aura peut-être brisé sa propre estime à jamais.

C'en était trop pour moi. À ce moment là, je portais la vie en moi. Peut être une fille. Peut être vivrait elle ça à son tour. Ce bébé m'a donné le courage que je n'avais pas eu avant. Je suis sorti du tramway, me suis rendue au guichet et est demandé à faire un signalement. J'ai tout écrit. Pendant 30 minutes, j'ai oublié mes rendez-vous professionnelles et j'ai décris. Ce que j'avais vu tous les jours, les détails physiques de ce porc, ces habitudes etc. Je leur donnais la date et l'heure pour qu'ils puissent visionner les caméras de surveillance pour pouvoir l'intercepter plus facilement. Le conseiller était choqué, c'était la première fois qu'il entendait ça. Il disait que s'il avait été la il aurait fait quelque chose. Il m'a dit de porter plainte. Alors une fois arrivée à mon bureau, j'ai appelé la gendarmerie. Et là, une gentille dame m'a informé que je ne pouvais rien faire. Car je n'étais pas la victime. J'aurais dû interpeler la jeune fille et la convaincre de porter plainte. Car en France on ne peut pas porter plainte pour un crime dont on a ete témoin. Etre témoin d'une agression sexuelle ne fait pas nous, aux yeux de la loi, des victimes.

Quelques jours plus tard, je recevais une lettre de la RATP m'indiquant que, eux non plus, ne pouvait rien faire. Qu'ils ne pouvaient visionner leurs propres images que s'il y avait une enquête suite à une plainte. J'étais bloquée. J'avais agis, mais personne ne pouvait prendre le relais.

Pourtant, suite à ce jour, je n'ai plus jamais revu cet homme. Alors je me suis dit que, peut-être cela n'avait pas servie à rien et que des agents étaient venus sécuriser la rame suite à mon signalement et l'avait interpelé. Je suis restée avec cette idée, que nous pouvons agir sur nos destins et se défendre.


Le doute, il n'existe pas. Si l'on doute de quelque chose, c'est que quelque chose est en train de se produire. Quelque chose qui vient nous terroriser de l'intérieur qui nous empêche d'agir et de réfléchir clairement. Le doute qui nous dit de fuir, de quitter cet environnement.


Si il y a quelque chose pour laquelle nous ne devons pas avoir de doute, c'est que cela n'est aucunement notre faute. Ce n'est pas par ce qu'on est "trop jolie", "trop bien foutue", "habiller trop légèrement", non ce n'est pas pour ça que nous nous faisons agresser. Personnellement, je n'ai jamais porté de tee-shirt "Agression free" ou "Adopte un porc" ! Nous nous faisons agresser car nous sommes des femmes, car la société ne nous informe pas sur les risques, sur comment réagir, sur comment se défendre. La preuve en est avec cette exemple, ou même témoin, nous ne pouvons nous protéger entre nous.


Ces faits que je raconte m'ont marqués, mais heureusement ils ne m'ont jamais fait douter de mon intégrité, ils ne m'ont pas changés. Je ne me suis pas sentie coupable, juste bête de n'avoir pas su réagir, pas su me défendre. Car je n'ai jamais apprit. Par ce que nos parents ne savaient pas. Par ce que c'était tabou. Peut-être est-ce arrivé à nos mères, mais qu'elles ont préférées garder le silence avec l'idée de nous protéger de cette violence. Mais c'est en en parlant que l'on apprend.

Alors nous devront apprendre à nos enfants qu'être victime n'est et ne sera jamais un crime, que la société punit les coupables et que nous nous battons pour faire reconnaître le droit des femmes (il existe bien sûre la violence fait aux hommes, mais ici je ne peux parler que de ce que je connais). Car si je ne suis pas stigmatisée par ces blessures, d'autres femmes le sont. Elles apprennent a vivre avec une culpabilité qui ne leur appartient pas, avec une peur que l'on leur a imposé. Pour elles et toutes les autres il faut agir !


Alors Mme RATP je ne t'en veut pas, tu es victime de ton succès, car c'est bien souvent la proximité qui créé cette possibilité pour tous ces criminels en liberté. Mais aide-nous. Protège-nous. Mettre des milices pour arrêter les fraudeurs de ticket c'est bien, mais un agent pour recueillir les sanglots d'une jeune fille victime d'une agression n'est-ce-pas plus utile ? Pour la rassurer, la soutenir et l'aider dans sa démarche de plainte. Pour qu'elle ne reste pas seule et préfère oublier. Propose des mesures d'accompagnement !


Un film, intitulé "Les femmes du bus", retrace l'histoire vraie de femmes Egyptiennes victimes d'agressions sexuelles quotidiennes dans un bus, amenées à lutter ensemble pour faire valoir leurs droits et punir les responsables. Cette histoire se passe aussi dans le pays des droits de l'homme, où la communication est partout mais où ces agressions reste un tabou. Alors brisons le, comme ces femmes du bus ! Devenons les femmes du métro et balançons nos porcs au fond du caniveaux !


Aujourd'hui, j'ai quitté Paris et ses transports en commun. Ces histoires, je ne les ai plus jamais croisées.


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