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Mon récit d'accouchement / Lettre à mon ourson

  • Photo du rédacteur: Ours Grenouille
    Ours Grenouille
  • 18 mai 2017
  • 10 min de lecture


Durant ma grossesse j'ai eu la chance de rencontrer une professeur de Yoga extraordinaire, spécialisée dans le yoga prénatal. Elle m'en a plus appris sur mon corps que tous les médecins qui ont pu me suivre auparavant. Grâce à des schémas, elle nous apprenait à découvrir notre périnée, zone encore plus oublié que le point G. Elle nous apprenait des postures pour nous soulager de nos maux de grossesse, de nos contractions et de toute cette pression de la mise au monde. On a discuté, dédramatisé, partagé. Mon moment préféré, celui de la fin de séance où elle nous lisait un récit d'accouchement écrit par des anciennes élèves. Des moments de grâce où l'on se projetait, où l'on découvrait la force mentale extraordinaire que demande la mise au monde et le chamboulement émotionnel qu'elle implique. Forte de toutes ces expériences, j'ai pu vivre mon accouchement pleinement.

Quelques jours plus tard, c'est moi qui prenait la plume. Pour moi d'abord, mais pour mon ourson surtout, quand il aura envi de comprendre d'où il vient.

Avec beaucoup de pudeur et en me gardant certains passages pour moi, je vous livre ici mon récit d'accouchement. Pour que peut-être comme moi, cela aide de futures mamans à se projeter et donner envie aux anciennes d'à leur tour prendre la plume et se livrer.

Mon Ourson, aujourd'hui je vais te raconter l'histoire de ta naissance.

Ton papa et moi nous nous sommes rencontrés en février 2008, j'avais 20 ans, il en avait 25. Nous avons fait connaissance grâce à des amis communs qui ont voulu nous voir heureux ensemble.

(...)

Notre vie de couple s'est construite au fur et à mesure, l'amour grandissant entre nous. Grace à ton père, j'ai pu réaliser des rêves et dépasser mes peurs. Nous avons parcouru les cinq continents et j'ai eu le courage de me réorienter professionnellement. En septembre 2013 nous célébrions notre union, comblés par nos familles et amis qui se sont rencontrés pour ce grand événement.

(...)

Et puis, un jour, nous nous sommes posés et avons réfléchi à notre avenir. Nous voulions devenir une famille, mais pas n'importe comment. Nous voulions le meilleur environnement pour toi, alors nous avons décidé de quitter Paris pour vivre à Bordeaux.

(...)

C'est en janvier 2015 que nous avons décidé qu'il était temps de fonder notre famille. Après 4 mois d'attente et beaucoup de surprises, j'ai découverts que j'étais enceinte.

(…)

Puis est venu le temps de la première échographie où nous allions te rencontrer pour la première fois. Nous n'avons pas su tout de suite que tu serais un petit garçon mais nous savions déjà tu tenais bon.

(...)

Quelques mois plus tard, lors de la deuxième échographie tu nous as bien rassuré, tu étais en bonne santé. Je pensais que tu serais une petite fille mais c'est finalement ton papa qui a eu raison. Tu serais notre aîné, le grand frère, un beau et grand garçon. Tu as dû sentir qu'on t'observait car tu nous as fait un signe de la main que nous connaissions bien, les deux doigts du milieu serrés, celui des idoles du rock'n'roll (...)


Nous étions pressés de te rencontrer, mais voulions que tu aies tout le temps pour te préparer. Tu as dû sentir l'hiver arriver, car à la date du terme, tu n'étais toujours pas prêt à faire ton entrée dans le monde.

(...)

Une date de déclenchement a été déterminée, et tu as dû le sentir, car c'est à ce moment là que les choses ont commencé à se déclencher. La veille, j'ai commencé à ressentir d'immenses douleurs. C'était des contractions, j'en étais sûre. Douloureuses et régulières, comme ont nous l'avait décrit. Nous avons attendu avant d'être sûrs, de longues heures où j'ai tenté de mettre en application les conseils de respiration et de postures que j'avais apprises en préparation. A minuit nous étions aux urgences de la maternité où j'ai rapidement été examinée. Et là, grande déception, rien n'avait changé, ce n'était pas des contractions de travail. Après avoir été soulagée de la douleur, nous sommes revenus à la maison, où j'ai pu me reposer, mais pas très longtemps.


A 5h du matin les douleurs reprenaient. Toutes aussi intenses mais je ne sentais pas mon ventre se contracter. « Encore du faux travail » nous avons pensé. Alors nous avons attendu. Aucune position ne me soulageait. Je ne pouvais ni m'asseoir ni m'allonger. La seule position que je tolérais était de rester debout. Je me massais énergiquement l'arrière du dos pour détourner mon attention de la douleur, à tel point que je m'en laissais des marques. A chaque contraction, très régulière, je me maintenais sur une chaise et me concentrait sur ma respiration. Ton papa était là, me soutenant et m'encourageant à bien respirer.


La douleur était si intense que je ne pouvais m'en abstraire, je ne pouvais que l'accepter. Je la laissais m'envahir, tellement forte et puissante, je me disais que grâce à elle, peut-être mon corps t'ouvrait les portes. Mais parfois mon esprit perdait pied, je me déconcentrais et alors je n'étais que douleur.

Les contactions se chevauchaient, ne s’espaçant que de quelques secondes, je ne pouvais récupérer. Ces moments entre deux contractions où l'on devait pouvoir se ressourcer, je ne les avais pas. A ce moment là, j'ai su que je demanderais à avoir la péridural. Car sans dormir et la souffrance ne me laissant pas de répit, je savais que n'aurai pas l’énergie de te donner naissance sans la péridural, comme je le souhaitais. Car tu étais un beau bébé et que sans la force nécessaire je ne pourrais pas te donner naissance par voie basse. Je prévenais ton papa qui, très compréhensif, m'a dit que cela n'était pas grave, le principal étant que tous les deux nous restions en bonne santé. Je mangeais et me préparais et à 15h30, nous décidions de partir à la maternité. Je craignais d'être encore en faux travail, et je savais qu'ils ne pourraient de nouveau soulager ma douleur dans ce cas. Les affaires étaient prêtes depuis longtemps, rangées dans la voiture. Je regardais une dernière fois l'appartement. A notre retours, il ne serait plus jamais le même.


Nous sommes arrivés et avons dû attendre que quelqu'un s'occupe de nous. Nous avons patienté deux heures. Deux heures où la douleur malmenait mon corps. L'esprit a beau être fort, il ne pouvait gérer ce flot qui envahissait chaque parcelle de mon être. Ton père était toujours là, le phare dans la nuit noire. Je m'appuyais contre son torse, ses épaules, et nous ne faisions plus qu'un. La douleur montait, me parcourait et venait s'échouer contre lui. Je me persuadais que c'était une bonne douleur, une douleur nécessaire, que je viendrais bien vite oublier après. Pourtant, elle était tellement puissante, qu'à plusieurs reprises je pensais perdre pied. Ma respiration devenait saccadée et je me sentais partir dans le noir. Ton père me maintenant à flot, comme une ancre qui m’empêchait de partir à la dérive. Nous chantions les voyelles, les A et les O, pour marquer la respiration, comme un râle pour extirper le mal. Chanter m'a beaucoup aidé à me maintenir. Crier m'aurait fait vaciller dans la douleur.


Dans la salle d'attente pleine, les futures mamans pas encore au terme de leur grossesse nous regardaient peut-être de peur ou bien se disant que nous étions bien courageux.

La tempête faisait toujours rage en moi, quand enfin l'on est venu nous chercher. Après un bref examen on nous annonçait une dilatation à 4. Je crois n'avoir jamais été aussi soulagée de toute ma vie. On m’annonçait que mon corps s'était mis en marche, que tu arrivais et que je pourrais être soulagée de cette douleur en ayant la péridural. A ce moment là, je sentais que la douleur était déjà loin. On me mettait en blouse, dans un fauteuil roulant et je prenais le couloir qui menait aux salles d'accouchement.


Là, on nous installait dans une grande salle. Certes, un peu vieillotte, mais spacieuse et avec tout l'équipement nécessaire. Il n'y faisait ni trop chaud, ni trop froid. C'est là que tu allais naitre et respirer pour la première fois.

L’anesthésiste arriva rapidement. Il m'installa la péridural et tout se passa bien. Au bout de 30m, les douleurs n'étaient plus qu'un lointain souvenir et je reprenais peu à peu des forces. J'étais bien, je crois même que j'aurai pu dormir, mais s'était sans compter sur l'adrénaline qui m'envahissait, aussi puissante que la douleur. Le bonheur de te voir prochainement m'emplissait complètement. Alors ton papa et moi avons pu pleinement profiter de ce moment, de complicité et de bonheur. Sans douleur, nous avons pu rigoler, nous embrasser et savourer ces instants qui ne dureraient qu'une fois. J'ai pu m’imprégner des lieux, et je suis capable aujourd'hui de me souvenir de l'atmosphère de la pièce.

(...)

Placée sous monitoring j'ai pu suivre le battement de ton cœur tout le long de cette longue attente. Afin de t'aider pour ce grand trajet, la poche des eaux a été percée et ce qui t'avais permis de rester bien au chaud 9 mois dans mon ventre s'écoulait peu à peu. A partir de ce moment là, mon corps a pu travailler plus rapidement pour que tu ne reste pas coincé trop longtemps.


Durant de longues heures j'ai fais des exercices pour te permettre de descendre. Ton papa a même été mis à contribution en me faisant faire des exercices avec un ballon. Une fois à gauche, une fois à droite, je bougeais régulièrement pour te montrer le chemin.

Malgré la porte qui s'ouvrait à toi au fur et à mesure, le temps passait et le chemin était encore long à parcourir. Arrivés le 27, nous passions au 28, la date de ton anniversaire.

(...)

Le moment fatidique arrivait enfin et là tu me permis l'impensable, te sentir. En effet, la douleur commençait à revenir sur mon côté gauche. On fit venir l'anesthésiste pour savoir si tout marchait bien et rien n'était à signaler du côté de la péridural. C'était toi, qui appuyais sur le côté me faisant de nouveau ressentir certaines sensations. Si la douleur, moins forte, était de nouveau présente, elle allait me permettre de te sentir descendre et de pouvoir t'aider lors de la poussée.


Je m'étais entrainée, mais là il fallait y aller. Le personnel arriva dans la chambre, je m'installais et tout était prêt. Ton papa prit place à mes côtés, prêt à me soutenir jusqu'à ton arrivée. Et arriva enfin le moment de pousser. Tu nous as fait un peu peur, les battements de ton cœur devenaient irréguliers. L'obstétricien arriva, et vu ta taille et ton état, il décida d'intervenir avec l'aide de cuillère pour te faire de la place sur le trajet.


Le temps s'est alors arrêté et pourtant, je me souviens que tout est allé très vite. On me disait de pousser et je me concentrais pour y mettre toutes mes forces et te visualisais sortant enfin vers le monde aérien. Je me souviendrais toute ma vie de ce moment, où le temps suspendu me séparait de toi. Ton père me soutenai, surveillant ma respiration pour que je ne manque pas d'air. Je te ressentais sortir de mon corps, ta tête qui descendait, avec une force que je n'avais jamais ressenti avant. Un poids immense, une force presque inhumaine, une sensation que je n'oublierais jamais. C'était toi qui te hissais vers la sortie avec toute l'énergie que tu pouvais. A ce moment là, je ne l'ai pas su tout de suite, mais de nouveau il a fallu t'aider pour les derniers instants, en me faisant une épisiotomie. Mais il le fallait, car tu étais déjà grand avec un important tour de tête et il ne fallait pas que tu sois bloqué. Pour la dernière fois, tu faisais encore parti de moi, et je ne savais pas encore quel bouleversement serait de me défaire de toi. Et enfin tu faisais ton arrivée. Je ne me souviens pas d'un sentiment de délivrance comme on nous en avait parlé. Je pense que dès que tu es sorti, j'ai ré-ouvert mes yeux qui étaient clos pendant la poussée et la réalité m'a tout de suite saisie. Ta première bouffée d'air, ton premier contact avec moi, nos regards posés sur toi pour la première foi. J'ai beau y repenser, je ne sais plus trop à quel moment tu as crié, mais tu as dû le faire très vite car cela ne m'a pas du tout inquiétée.


Tu as été amené à moi et nos corps n'ont de nouveau fait qu'un, mais cette fois ci, nous étions deux. Enfin trois, avec ton papa qui était autant surpris que moi que tu nous sois arrivé. Je n'en revenais pas que cela m'arrive à moi, moi qui ne me voyais pas encore comme quelqu'un digne de me confier ta responsabilité.

(...)

Ma chaleur à dû te rassurer car tu n'as plus pleuré. Mais après seulement ces minutes, qui m'ont parues si courtes, il a fallut s'occuper du reste de mon corps qui n'avait pas rejeté tout le placenta. Cette opération fut très douloureuse et mon esprit voguait entre douleur et bonheur de t'avoir contre moi. Puis il a fallut t'enlever à moi pour qu'on puisse s'occuper du reste de mes blessures. Tu es parti avec papa, je vous entendais au loin, mais je serais toujours un peu triste en pensant que je n'ai pu être là dans ses instants qui ont dû être si importants pour toi. Ton papa a dû t'habiller et te prodiguer les premiers soins et attentions. Ces minutes séparées de vous m'ont parues une éternité froide, médicale. Je me concentrais sur les bruits qui me parvenaient de la voix de ton papa et la tienne puisque tu pleurais. Ces sons étaient comme une ancre dans un abime dans laquelle je ne voulais pas sombrer pour ne garder que le plaisir de t'avoir mis au monde.

(...)

Après presque une heure de soin, je vous retrouvais enfin. Tu étais habillé, muni d'un petit bonnet, emmitouflé dans ta petite couverture beige. J'avais faim, j'avais chaud, j'avais soif mais vous étiez là alors je pouvais encore attendre. J'avais encore beaucoup de force et d'énergie malgré l'exploit que je venais de faire. Peu à peu nous nous rendions compte de ce qui s'était passé, de cette empreinte que nous avions laissé dans cette salle qui t'avait vu naitre. Et nous ressentions ton aura. Tu étais un peu de nous deux, un peu de moi, un peu de ton père. Une nouvelle âme.


Nous avons remercié l'équipe médicale. La sage-femme qui avait suivi ta naissance me confiait alors que ce n'était pas un accouchement facile, que j'avais été très forte et que j'avais bien travaillé pour te mettre au monde car pour elle, vu ta taille et ton cœur qui battait la chamade, une césarienne aurait pu être demandée. L'équipe a cru en moi, en ma capacité à pousser et j'en fus d'autant plus fière. Pour moi l'accouchement n'a pas été dur, même presque facile, fluide, mais ce fut les suites de l'accouchement qui ont été dures à vivre. La douleur et surtout la vivre seule. Il faudrait par la suite aussi que je fasse le deuil de cette cicatrice qu'ils m'avaient laissé, mais si peu de chose finalement vu ce que nous avions gagné.


Avec beaucoup d'aide pour me soutenir, nous gagnions notre chambre. Cet endroit encore très important pour nous, où nous allions faire connaissance et apprendre à devenir parents...


... mais ça, c'est une autre histoire ;)



 
 
 

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